Actualités

Imprimer 18/12/2025 Evénements

LA LOI N° 1.583 DU 2 DÉCEMBRE 2025 : instauration de la rupture conventionnelle du contrat de travail à Monaco par Lucien MAURIN

La loi n° 1.583 du 2 décembre 2025 instaure, pour les contrats à durée indéterminée, la rupture conventionnelle comme mode autonome de rupture d’un commun accord, encadré par des garanties procédurales et une homologation par l’Inspection du travail. Elle prévoit une indemnité minimale, fixe le contentieux devant le Tribunal du travail et adapte parallèlement certaines règles du contrat de travail et de la durée du travail, avec des dispositions d’entrée en vigueur spécifiques.

Adoptée le 26 novembre 2025 et publiée au Journal de Monaco le 12 décembre 2025, la loi n° 1.583 du 2 décembre 2025 introduit pour la première fois dans le droit monégasque la rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée. 

Ce texte, composé de seize articles répartis en trois chapitres, est issu du projet de loi n° 1.108 déposé le 30 avril 2025par le Gouvernement Princier. Il vise à moderniser les modalités de rupture du contrat de travail en permettant une cessation amiable, fondée sur le consentement réciproque du salarié et de l’employeur, tout en garantissant la protection de la partie la plus faible. 

La loi modifie également certaines dispositions de la loi n° 729 du 16 mars 1963 relative au contrat de travail, ainsi que de l’Ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959 sur la durée du travail.

I - LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE 

A. Principe général et conditions de validité

L’article 1er consacre la possibilité pour les parties à un contrat de travail à durée indéterminée de convenir d’une rupture d’un commun accord, matérialisée par une convention écrite fixant les conditions de la rupture. Cette modalité est exclusive du licenciement ou de la démission et ne peut être imposée par aucune des parties, sous peine de nullité ou de requalification. Toute clause interdisant la rupture conventionnelle dans une convention collective est réputée non écrite. La liberté du consentement constitue donc un principe cardinal du dispositif.

B. Procédure et garantie du consentement

L’article 2 impose un ou plusieurs entretiens préalables entre les parties, dont l’absence entraîne la nullité de la convention. Le salarié peut se faire assister d’un délégué du personnel ou d’un autre salarié de l’entreprise, et l’employeur peut à son tour être assisté. Des règles strictes encadrent les délais d’information relatifs à la présence d’un assistant, afin de garantir un certain équilibre procédural.  L’article 3 prévoit que, lorsque l’accord est trouvé, les parties signent une convention écrite selon un modèle fixé par arrêté ministériel La date de rupture effective ne peut être antérieure au lendemain de l’homologation par l'Inspection du travail (article 6).

C. L’indemnité de rupture

Selon l’article 4, le salarié perçoit une indemnité de rupture, fixée d’un commun accord mais encadrée par des seuils légaux :

- 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté ;

- un montant au moins égal à l’indemnité légale de licenciement prévue à l’article 1er de la loi n° 845 du 27 juin 1968 pour ceux ayant deux ans d’ancienneté ou plus.

- L’indemnité doit être versée dans le mois suivant la date de rupture. Les dispositions plus favorables applicables en cas de licenciement ne s’étendent pas à la rupture conventionnelle.

D. Droit de rétractation

L’article 5 accorde à chacune des parties un délai de rétractation de sept jours calendaires à compter de la signature, pouvant être prolongé d’un commun accord.

L’exercice de ce droit ne peut donner lieu à aucune sanction disciplinaire ni mesure défavorable pour le salarié.

E. Homologation administrative

L’article 6 subordonne la validité de la convention à une homologation par l’Inspection du travail. La demande peut être déposée par l’une ou l’autre partie.

L’administration dispose d’un délai de quinze jours ouvrables pour se prononcer sur la conformité du contenu de la convention à la loi.

Le silence de l’administration vaut homologation implicite, sauf pour les salariés protégés (bénéficiaires des lois n° 459 du 19 juillet 1947, n° 957 du 18 juillet 1974 ou n° 1.457 du 12 décembre 2017), pour lesquels le silence équivaut à un refus. En cas de non-conformité, l’inspecteur du travail motive son refus.

F. Contentieux et sanctions

L’article 7 confère une compétence exclusive au Tribunal du travail pour tout litige relatif à la convention ou à son homologation. Le recours doit être formé dans un délai de six mois à compter de la décision d’homologation ou de refus.

L’article 8 institue un régime pénal de protection du consentement : est passible de l’amende prévue au chiffre 1 de l’article 26 du Code pénal quiconque impose, par dol, violence, contrainte ou menace, le recours à la rupture conventionnelle ou des conditions illégales.

Le même régime s’applique à l’employeur qui ne verse pas ou retarde le paiement de l’indemnité. La récidive entraîne le doublement de l’amende. Enfin, l’article 9 qualifie l’ensemble des dispositions du chapitre de d’ordre public, rendant nulles toutes stipulations contraires.

II - MODIFICATIONS CONNEXES DU DROIT DU TRAVAIL 

Le chapitre II procède à plusieurs adaptations de la loi n° 729 du 16 mars 1963 et de l’Ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959, visant à moderniser la réglementation du travail.

Les principales modifications sont les suivantes :

- L’article 10 modifie l’article 2 de la loi n° 729, autorisant désormais les mineurs émancipés à conclure seuls un contrat de travail;

- L’article 11 révise l’article 4 relatif à la période d’essai, en en précisant la durée et les conditions; 

- L’article 12 introduit un article 5-1 consacré au préavis, simplifiant le régime de calcul et d’exécution;

- L’article 13 modifie l’article 7 sur les obligations du salarié;

-L’article 14 adapte l’article 9 concernant la résiliation du contrat;

- L’article 15 ajoute un article 1-1 à l’Ordonnance-loi n° 677, créant un régime spécifique pour les contrats à temps très partiel, c’est-à-dire inférieurs à dix-neuf heures et trente minutes par semaine.

III - DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET ENTRÉE EN VIGUEUR

Selon l’article 16, la loi entre en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 13 décembre 2025, à l’exception des dispositions des articles 1 à 9 (rupture conventionnelle), qui prennent effet trois mois plus tard, soit en mars 2026.

Ces dispositions s’appliquent :

- aux contrats en cours au moment de leur entrée en vigueur ;

- ainsi qu’aux contrats conclus postérieurement.

L’article 15, relatif aux contrats à temps partiel, ne s’appliquera qu’aux contrats postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi.