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Imprimer 26/07/2024 Affaires

JURISCAP - L’ ACTION EN RESPONSABILITÉ DU TIERS VICTIME DE L’INEXÉCUTION DU CONTRAT

Les clauses limitatives de responsabilité d’un contrat peuvent-elles être opposées à un tiers ?

Dans un arrêt du 03/07/2024, la Cour de cassation a jugé que « pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s'est engagé en considération de l'économie générale du contrat et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même, le tiers à un contrat qui invoque, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants » (Cour de cassation, Chambre commerciale, 3 juillet 2024, n° 21-14.947).

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Par principe, le contrat conclu entre les parties a force obligatoire. Seules les parties qui s’engagent sont tenus de respecter et d’exécuter ledit contrat. Les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter. 

 

Ensuite, il existe un principe de non-cumul des responsabilités civiles, de sorte que :

 

Pour engager la responsabilité contractuelle, il faut : 

·      Une relation contractuelle entre l’auteur du dommage et la victime, 

·      Une faute résultant d’un manquement contractuel à l’origine du dommage,

·      L’existence d’un dommage qui doit être une suite directe et immédiate du manquement contractuel Ici, le principe est la réparation du dommage prévisible, le contrat peut donc prévoir des clauses limitatives de responsabilité. 


Pour engager la responsabilité délictuelle, il faut : 

·      Une faute quelconque (intentionnelle ou d’imprudence/négligence) 

·      Qui cause un dommage à autrui (direct, personnel, licite et certain) 

·      L’existence d’un lien de causalité entre la faute et le dommage

Ici, aucune clause limitative n’est tolérée car le principe est la réparation intégrale du préjudice. 

 

Pourtant, la jurisprudence de la Cour de cassation prévoyait que : 

(1)   Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9)

(2)   Et que s'il établit un lien de causalité entre ce manquement contractuel et le dommage qu'il subit, il n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Ass. plén. 13 janvier 2020, pourvoi n° 17-19.963, publié au bulletin).

  

En d’autres termes, le tiers au contrat était mieux traité que le cocontractant et contournait les prévisions des parties au contrat dans la mesure où il pouvait se positionner comme un cocontractant pour invoquer les engagements d’une partie et ses éventuels manquements, mais se prévalait de sa qualité de tiers pour éviter de se voir opposer le reste du contenu du contrat.

Cette situation était source de grande insécurité juridique.  

C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation est venue tempérer sa jurisprudence en jugeant que désormais le tiers à un contrat qui l'invoque peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants.

Gihen Ben Ziadi – Juriscap