JURISCAP - CAUTION DU GÉRANT ET ACTION PAULIENNE DE LA BANQUE
Un gérant qui s'est porté caution de son entreprise peut-il transférer son bien immobilier à une SCI pour échapper au paiement de ses créanciers ?
Non. Dans une décision du 29/05/2024, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que « ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui rejette la demande d'un créancier en inopposabilité d'un acte par lequel le débiteur a fait apport de son immeuble à une société civile immobilière et a reçu, en contrepartie, des parts sociales d'un montant équivalent à la valeur de l'immeuble, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la difficulté de négocier les parts sociales et le risque d'inscription d'hypothèques sur l'immeuble du chef de la société ne constituaient pas des facteurs de diminution de la valeur du gage du créancier et d'appauvrissement du débiteur" (Cour de cassation, chambre commerciale, 29 mai 2024, n°22-20.308).
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Le créancier a le droit d'exiger l'exécution de l'obligation de son débiteur et peut le contraindre à s'y conformer dans les conditions prévues par la loi (1341 code civil). Il dispose d'un droit de gage général, qui lui permet de saisir les biens, mobiliers et immobiliers, présents et futurs du débiteur, de les vendre, et de se rembourser sur le produit de cette vente (2284 code civil).
Mais... que faire si le débiteur choisit délibérément d'organiser son insolvabilité en transférant tout son patrimoine, empêchant ainsi le créancier d'être remboursé ?
C’est exactement ce qui s’est produit dans cette affaire !
Un chef d’entreprise, s’étant porté caution pour un prêt bancaire, voit son entreprise entrer en procédure collective. La banque se tourne alors vers lui pour récupérer la somme de 34 852,26 euros outre les intérêts, conformément à une décision de justice.
Cependant, entre-temps, le chef d'entreprise avait transféré un bien immobilier d’une valeur de 500 000 € à une SCI, en échange de parts sociales équivalentes à cette somme. Par la suite, il a cédé la nue-propriété de ces parts à une autre société.
Face à cette manœuvre, la banque a décidé d’engager une action paulienne pour contester ces transactions.
L'action paulienne permet au créancier de réintégrer dans le patrimoine de son débiteur des biens que ce dernier a transférés à un tiers, souvent complice, dans le but d'empêcher le créancier de les saisir.
La cour d'appel rejette sa demande, considérant que l'acte ne causait pas d'appauvrissement pour le débiteur puisqu'il a reçu en contrepartie des parts sociales d'un montant équivalent à la valeur de l'immeuble.
La Cour de cassation n'adhère pas à ce raisonnement et estime que ces manœuvres peuvent constituer un acte d’appauvrissement. Elle souligne toutefois qu’il faut vérifier si la difficulté de négocier les parts sociales et le risque d'inscription d'hypothèques sur l'immeuble ne constituaient pas des facteurs de diminution de la valeur du gage du créancier et d'appauvrissement du débiteur.
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Gihen Ben Ziadi / Juriscap