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Imprimer 18/12/2025 Public

CHARTE DES ÉCRITURES ADMINISTRATIVES : un cadre commun pour mieux plaider, mieux comprendre, mieux juger par Lucien MAURIN

Signées le 15 décembre 2025 au Palais-Royal, la Charte et son Guide de bonnes pratiques constituent un référentiel partagé destiné à améliorer la présentation des écritures devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel. Portées conjointement par le Conseil d’État et les principales institutions représentatives de la profession d’avocat, ces recommandations entendent renforcer la qualité du débat contradictoire, fluidifier les échanges entre juges et parties, et contribuer à une justice plus efficace, sans affecter l’indépendance ni la liberté de stratégie des avocats.

Un contentieux en mutation, des pratiques à sécuriser

La justice administrative est confrontée à une équation devenue centrale : traiter un volume croissant de litiges, souvent techniquement complexes, dans des délais maîtrisés, sans affaiblir les garanties du procès équitable. La dématérialisation des échanges et l’augmentation des productions écrites ont accentué une difficulté bien connue des praticiens : un dossier peut être juridiquement solide tout en demeurant difficilement exploitable si ses demandes, ses moyens ou ses pièces ne sont pas présentés avec suffisamment de clarté et de méthode. L’enjeu n’est donc pas seulement de « faire plus vite », mais de rendre le débat plus lisible, plus structuré et, partant, plus utile à la décision.

Une signature conjointe au service d’un meilleur dialogue

C’est dans cet esprit qu’a été formalisé, le 15 décembre 2025, un ensemble composé d’une Charte et d’un Guide, signé par le Conseil d’État et les principales instances représentatives des avocats : le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers de France, l’Ordre des avocats au barreau de Paris, ainsi que l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.
Le message est clair : il s’agit d’un engagement réciproque visant à améliorer la compréhension entre les acteurs du procès administratif, en rapprochant les attentes des juridictions et les pratiques rédactionnelles, afin de renforcer à la fois la qualité du contradictoire et l’efficacité des procédures, dans l’intérêt des justiciables.

La Charte : des principes directeurs, sans rigidité ni sanction

La Charte fixe un cadre général et une méthode. Elle réaffirme que les avocats demeurent entièrement libres de définir la stratégie contentieuse qu’ils estiment la plus adaptée à la défense des intérêts de leurs clients. Les bonnes pratiques proposées ne sont pas conçues pour normaliser le fond des argumentations, mais pour améliorer la manière dont elles sont exposées : identification précise des conclusions, organisation intelligible des moyens, articulation plus lisible du raisonnement, sélection pertinente des pièces.
L’approche retenue s’inscrit dans la logique du droit souple : un référentiel commun, non contraignant, qui n’a pas vocation à se substituer aux règles existantes ni à créer un régime autonome de sanctions, mais qui entend diffuser des standards utiles à la qualité du procès.

Le Guide : une boîte à outils pour rendre les écritures immédiatement exploitables

Annexé à la Charte, le Guide traduit ces principes en recommandations opérationnelles. Il encourage une écriture orientée vers l’efficacité du débat : rendre l’objet du litige immédiatement identifiable, distinguer clairement faits, procédure et discussion juridique, hiérarchiser les moyens, éviter les redites, expliciter les abandons éventuels, et présenter les pièces de façon cohérente avec l’argumentation.
Un accent particulier est mis sur les exigences pratiques induites par le numérique : documents lisibles à l’écran, fichiers correctement nommés et numérotés, pièces faciles à retrouver et à citer, mise en valeur des extraits pertinents lorsque les productions sont volumineuses.
Le Guide est également pensé au-delà du seul cadre de la représentation obligatoire : il peut servir de repère méthodologique aux administrations et aux justiciables non représentés, en leur fournissant un modèle de présentation favorisant la compréhension et le bon déroulement de l’instruction.

Une ambition : mieux structurer pour mieux juger

En définitive, la Charte et le Guide traduisent une idée simple : la qualité du procès administratif dépend aussi de la qualité de l’écrit. En proposant un langage commun de présentation, ils visent à réduire les zones d’ombre, à limiter les frictions procédurales et à permettre au juge de statuer sur un débat plus nettement circonscrit.
L’intérêt est partagé : pour les avocats, un cadre de référence qui sécurise la pratique et réduit les risques d’incompréhension ; pour les juridictions, une instruction facilitée ; pour les justiciables, la perspective d’une justice plus lisible, plus fluide et plus efficace, sans renoncement aux garanties fondamentales de la défense.

Lucien MAURIN