
BULGARI c/ APM MONACO : quand le parasitisme supplée la contrefaçon – CA Paris, 31 janvier 2025, note par Lucien MAURIN
La Cour d’appel de Paris reconnaît la protection d’auteur sur les bijoux Serpenti de Bulgari mais écarte la contrefaçon, faute de reprise identique des éléments caractéristiques. Elle retient en revanche le parasitisme, sanctionnant l’exploitation de la notoriété et des investissements de la maison de luxe. APM Monaco est condamnée à 130 000 € de dommages-intérêts et à cesser la commercialisation de 30 modèles incriminés.
⚖️ La maison Bulgari reprochait à APM Monaco d’avoir commercialisé des bijoux en forme de serpent proches de sa collection iconique Serpenti. L’action reposait à la fois sur la contrefaçon de droits d’auteur et, à titre subsidiaire, sur le parasitisme.
En première instance
Le tribunal judiciaire de Paris (mars 2023) avait retenu la contrefaçon pour plusieurs modèles et condamné APM à cesser leur commercialisation.
En appel
La Cour d’appel de Paris apporte d’importantes nuances :
1️⃣ Droit d’auteur confirmé mais contrefaçon écartée
La Cour reconnaît que les bijoux Serpenti sont bien protégeables au titre du droit d’auteur.
Mais elle estime que les modèles APM ne reprennent pas « dans une combinaison identique » les éléments caractéristiques des bijoux Bulgari.
La contrefaçon suppose une reprise de l’agencement global, pas seulement d’éléments isolés.
2️⃣ Parasitisme retenu
Le serpent est un symbole majeur de l’identité de Bulgari, entretenu depuis les années 1940 par des créations régulières, des expositions, des publications et d’importants investissements publicitaires.
En reprenant ce motif de manière répétée dans ses collections, APM a profité de cette notoriété sans avoir engagé les mêmes efforts créatifs et marketing.
La Cour qualifie donc le comportement de parasitisme économique.
Les sanctions
130 000 € de dommages-intérêts accordés à Bulgari pour atteinte à son image et banalisation de son emblème.
Interdiction de commercialiser les 30 modèles litigieux sur le territoire français, sous astreinte.
Destruction des stocks concernés.
Un enseignement majeur
La contrefaçon reste difficile à démontrer dans le secteur de la mode et de la joaillerie, en raison d’une appréciation stricte de l’originalité et de la reprise des formes.
Le parasitisme offre une voie complémentaire, dès lors que la maison peut prouver le caractère iconique de ses créations par des éléments concrets (presse, ouvrages, expositions, investissements).
Cet arrêt confirme la position déjà adoptée par la CA de Paris dans une précédente affaire opposant Cartier à la société Provence Imp’or au sujet de la collection « Panthère » (Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 12 janvier 2024, n° 22/02206).
À retenir : Pour protéger un emblème récurrent, les maisons de luxe doivent penser leur stratégie juridique au-delà du seul droit d’auteur et mobiliser également le droit de la concurrence déloyale.
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