Actualités

Imprimer 24/01/2022 Affaires

La transposition de la directive 2019/2161 relative à une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs.

La modernisation du droit de la consommation continue. Après l’ordonnance n°2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité des biens, des contenus et les services numériques transposant les directives (UE) 2019/770 et 2019/771 du 20 mai 2019 sur les contrats de vente de biens et la fourniture de contenus et de services numériques, le droit français vient transposer la directive 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 et relative à une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs.

Ordonnance n°2021-1734 du 22 décembre 2021 transposant la directive 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 et relative à une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs.

L’ordonnance de transposition « répond à la double nécessité de renforcer l’effectivité des règles existantes face au risque croissant d’infractions à l’échelle européenne et d’adapter celles-ci à la transformation numérique » (Rapport remis au Président de la République). À cette fin, elle introduit de nouvelles définitions dans l'article liminaire du Code de la consommation, renforce la lutte contre les pratiques trompeuses et les infractions transfrontières de grande ampleur, adapte les règles existants au secteur numérique et dote le législateur de nouveaux moyens pour dissuader les professionnels de recourir à des clauses abusives.

Les dispositions de l’ordonnance entreront en vigueur le 28 mai 2022. Leur application sera garantie par la DGCCRF.

Nouvelles définitions dans l’article liminaire du Code la consommation

Dans un but de clarification, plusieurs définitions sont ajoutées dans l’article liminaire du Code de la consommation.La place de marché en ligne est définie comme « un service utilisant un logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte, qui permet aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec d'autres professionnels ou consommateurs » ; l’opérateur de place de marché en ligne comme « tout professionnel qui fournit une place de marché en ligne aux consommateurs, au sens du 2° du I de l'article L. 111-7 » et la pratique commerciale comme « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un bien, d'un service, ou portant sur des droits et obligations ».L’article liminaire comporte désormais 16 définitions ayant pour but de clarifier des notions clés du droit de la consommation et d’éviter tout problème d’interprétation. Certains regretteront que le législateur n’ait pas pris le soin d’insérer ces nouvelles définitions dans un article distinct pour éviter tout problème de cohérence avec d’autres articles du Code de la consommation.

Transparence à l’égard du consommateur - Lutte contre les pratiques commerciales trompeuses 

Plusieurs articles de l’ordonnance ont directement pour objectif de lutter contre les pratiques commerciales trompeuses.

D’abord, le législateur pose certaines règles concernant les réductions de prix réalisées par un professionnel.Un nouvel article L. 112-1-1 est inséré dans le Code de la consommation. Celui-ci dispose que toute annonce d'une réduction de prix indique désormais le prix antérieur pratiqué par le professionnel avant l'application de la réduction de prix. Ce prix antérieur correspond au prix le plus bas pratiqué par le professionnel à l'égard de tous les consommateurs au cours des trente derniers jours précédant l'application de la réduction de prix. Par exception, en cas de réductions de prix successives pendant une période déterminée, le prix antérieur est celui pratiqué avant l'application de la première réduction de prix. Cette obligation d’indiquer le prix antérieur ne s'applique pas aux annonces de réduction de prix portant sur des produits périssables menacés d'une altération rapide. Il en est de même pour les opérations par lesquelles un professionnel compare les prix qu'il affiche avec ceux d'autres professionnels.

Il est à souligner que l’article 2 de l’ordonnance assimile le non-respect de ces règles à une pratique commerciale trompeuse.

Ensuite, le législateur adapte les dispositions du Code de la consommation relatives aux pratiques commerciales trompeuses à l’économie numérique.

L’article 3 qualifie de substantielles les informations portant sur : la qualité du cocontractant (professionnel ou non) du consommateur sur une place de marché en ligne ; les principaux paramètres qui déterminent le classement des produits présentés au consommateur sur une interface en ligne ; les éléments permettant d'établir si et comment le professionnel garantit que les avis publiés émanent de consommateurs ayant effectivement utilisé ou acheté le produit.L'absence de ces informations permet de caractériser une pratique commerciale trompeuse par omission. 

Par ailleurs, cet article élargit la liste des pratiques commerciales trompeuses. Sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet de fournir des résultats de recherche en réponse à une requête réalisée en ligne par un consommateur sans l'informer clairement de tout paiement effectué spécifiquement par un tiers pour obtenir un meilleur classement de l'un ou de plusieurs des produits apparaissant dans les résultats de recherche ou pour qu'un ou plusieurs produits y apparaissent ; de revendre à des consommateurs de billets pour des manifestations par l'utilisation d'un moyen automatisé permettant de contourner la limitation ou l'interdiction de revente de ces billets ; d’affirmer que des avis sur un produit sont diffusés par des consommateurs qui ont effectivement utilisé ou acheté le produit alors que les mesures nécessaires pour le vérifier n'ont pas été prises ; de diffuser ou de faire diffuser par une autre personne de faux avis de consommateurs  ou de fausses recommandations ou modifier des avis de consommateurs ou des recommandations afin de promouvoir des produits.

 Enfin, l’ordonnance renforce les sanctions administratives en cas de manquement du professionnel à son obligation légale d'information sur l'existence et les modalités des garanties légales de conformité, des éventuelles garanties commerciales et le cas échéant du service après-vente. Le quantum de l'amende passe de 3 000 euros à 15 000 euros pour une personne physique et de 15 000 euros à 75 000 euros pour une personne morale.

Renforcement des règles existantes face au risque croissant d’infractions à l’échelle européenne

 Le texte instaure un régime de sanctions effectives, dissuasives et proportionnées pour les infractions transfrontières de grande ampleur.

Comme l’explique le Rapport remis au Président de la République, « l'article 5 de l’ordonnance prévoit, dans le cadre de la coopération administrative entre les autorités nationales de contrôle compétentes en matière de protection des consommateurs au sein de l'Union européenne, une amende civile d'un montant de 300 000 euros qui peut être porté à 4 % du chiffre d'affaires, compte tenu du profit illicite réalisé, à l'encontre d'un professionnel qui a recours, de manière continue, à une pratique commerciale déloyale, au sens de l'article L. 121-1 du code de la consommation, c'est-à-dire contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altérant ou susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique des consommateurs, sans, pour autant, être trompeuse ou agressive, dès lors que cette pratique est constitutive d'une infraction de grande ampleur ou de grande ampleur à l'échelle de l'Union européenne et a fait l'objet d'une décision de justice devenue définitive à son égard. Cette amende civile peut également être prononcée, dans les mêmes conditions, à l'encontre d'un professionnel qui a recours, de manière continue, à une pratique commerciale reconnue déloyale, autre que trompeuse ou agressive, par une décision ou un avis du Conseil d'Etat ou par un arrêt ou avis de la Cour de cassation. L'amende civile peut être prononcée par la juridiction saisie à la demande de l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, les associations de défense des consommateurs, le ministère public ou le consommateur lésé ».

Adaptation des règles existantes à la transition numérique

Plus dispositions encadrent les pratiques des professionnels dans le domaine des contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques 

Dans un souci d’articulation avec le RGDP (Règlement n°2016/679 du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles), l’article 6 de l’ordonnance étend l’application des dispositions du Code de la consommation encadrant les contrats conclus à distance et hors établissement à la fourniture d’un contenu numérique sans support matériel ou d’un service numérique en contrepartie duquel le consommateur ne paie pas un prix, mais fournit des données à caractère personnel. 

 Le législateur précise certaines obligations du professionnel quant à l’utilisation du contenu fourni ou créé par le consommateur. 

Un nouvel article est inséré (art. L. 221-26-1,I) afin d’interdire au professionnel d'utiliser tout contenu, autre que les données à caractère personnel pour lesquelles il respecte les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, qui a été fourni ou créé par le consommateur lors de l'utilisation du contenu numérique ou du service numérique fourni par le professionnel. Cette interdiction est cependant assortie d’exceptions lorsque le contenu : n'est d'aucune utilité pour le consommateur dès lors qu'il ne l'utilise plus ; n'a trait qu'à l'activité du consommateur lorsqu'il utilise le contenu numérique ou le service numérique fourni par le professionnel ; a été agrégé avec d'autres données par le professionnel et ne peut être désagrégé ou ne peut l'être que moyennant des efforts disproportionnés ou encore a été généré conjointement par le consommateur et d'autres personnes, et d'autres consommateurs peuvent continuer à en faire usage. Ce nouvel article met également en place une forme de mécanisme de portabilité des données non personnelles. Selon l’art. L. 221-26-1, II et III : « Le professionnel met à la disposition du consommateur, à la demande de ce dernier, tout contenu, autre que les données à caractère personnel, qui a été fourni ou créé par le consommateur lors de l'utilisation du contenu numérique ou du service numérique fourni par le professionnel. Le consommateur a le droit de récupérer ce contenu numérique sans frais, sans que le professionnel y fasse obstacle, dans un délai raisonnable et dans un format couramment utilisé et compatible avec une lecture par machine ».Là encore ce droit souffre d’exceptions. Le professionnel ne devra pas mettre à disposition le contenu lorsque celui-ci n'est d'aucune utilité pour le consommateur dès lors qu'il ne l'utilise plus ; n’a trait qu'à l'activité du consommateur lorsqu'il utilise le contenu numérique ou le service numérique fourni par le professionnel ; a été agrégé avec d'autres données par le professionnel et ne peut être désagrégé ou ne peut l'être que moyennant des efforts disproportionnés.En cas de rétractation du contrat, le professionnel peut empêcher toute utilisation ultérieure du contenu numérique ou du service numérique par le consommateur, notamment en faisant en sorte que le contenu numérique ou le service numérique soit inaccessible au consommateur ou en désactivant le compte d'utilisateur du consommateur. Lorsque le consommateur a exercé son droit de rétractation, il s'abstient d'utiliser le contenu numérique et de le rendre accessible à des tiers (L. 221-26-1, IV et V).

Ces nouvelles dispositions transposent directement l’article 16 de la Directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques.

L’ordonnance apporte aussi un certain nombre de précisions pour les contrats hors établissement et à distance.

L’article L. 221-5 du Code de la consommation est modifié pour renforcer et moderniser les informations spécifiques qui doivent être délivrées préalablement à la conclusion d’un contrat hors établissement et à distance de vente de biens ou de fourniture de services, de contenu numérique ou de services numériques.

La protection des consommateurs dans le domaine des contrats conclus hors établissement est renforcée. L’article 6 de l’ordonnance interdit toute visite non sollicitée d'un professionnel au domicile d'un consommateur en vue de vendre des produits ou de fournir des services lorsque le consommateur a manifesté de manière claire et non ambigüe ne pas vouloir faire l'objet d'une telle visite. Le manquement à cette interdiction est puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende 15 000 euros. 

L’ordonnance apporte certains aménagements aux règles relatives à la formation des contrats conclus à distance, pour y soumettre les contrats de fourniture de contenu numérique sans support matériel ou de services numériques et aux conditions dans lesquelles un contrat conclu à distance ou hors établissement peut commencer à être exécuté avant la fin du délai de rétractation. 

Enfin, l’ordonnance introduit des aménagements aux exceptions à l'exercice du droit de rétractation pour les contrats ayant pour objet la fourniture d'un contenu numérique et dont l'exécution a commencé avant la fin du délai de rétractation. Dans ce cas, l'obligation d'obtenir le consentement préalable exprès du consommateur et la reconnaissance par ce dernier de la perte de son droit de rétractation n'est pertinente que pour les contenus numériques fournis moyennant le paiement d'un prix.

Lutte contre les clauses abusives

L’ordonnance met en place un mécanisme particulièrement dissuasif pour les professionnels qui continueraient, dans des contrats proposés ou conclus avec des consommateurs ou des non-professionnels, de recourir, de manière contenue, dans des contrats identiques, à des clauses reconnues comme abusives par une décision de justice de devenue définitive (nouvel article L. 241-1-1 du Code de la consommation).Une telle pratique est sanctionnée par une amende civile d’un montant de 15 000 euros  pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale. Cette amende est sans préjudice de l’allocation de dommages-intérêts. L'amende civile peut être prononcée par la juridiction saisie à la demande de l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, les associations de défense des consommateurs, le ministère public ou le consommateur lésé. Dès lors qu'il s'agit d'une infraction de grande ampleur ou de grande ampleur à l'échelle de l'Union européenne faisant l'objet d'une demande d'assistance mutuelle dans le cadre de la coopération administrative entre les autorités nationales de contrôle compétentes en matière de protection des consommateurs au sein de l'Union européenne, le montant de cette amende peut être porté à 4 % du chiffre d'affaires, compte tenu du profit illicite réalisé (chiffre d’affaires calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date de la décision). À défaut d’information disponible pour calculer l’amende sur le fondement du chiffre d’affaires, son montant peut être porté à deux millions d’euros.

Par ailleurs, l’ordonnance  renforce les sanctions administratives à l'encontre du professionnel dont les offres de contrats ou les contrats conclus avec des consommateurs ou des non-professionnels comportent des clauses « noires », au sens de l'article R. 212-1 du Code de la consommation, c'est-à-dire des clauses réputées présumées abusives de manière irréfragables et donc interdites. Le quantum de l'amende passe de 3 000 euros à 15 000 euros pour une personne physique et de 15 000 euros à 75 000 euros pour une personne morale. Dans le cadre de la coopération administrative entre les autorités nationales de contrôle compétentes en matière de protection des consommateurs au sein de l'Union européenne, le montant de cette amende peut être porté à 4 % du chiffre d'affaires, si la pratique est constitutive d'une infraction de grande ampleur ou de grande ampleur à l'échelle de l'Union européenne. À défaut d’information disponible pour calculer l’amende sur le fondement du chiffre d’affaires, le montant ne peut excéder deux millions d’euros.