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Imprimer 19/11/2021 Civil

L’inefficacité de la rétraction en présence d’une promesse unilatérale de vente (même pour les promesses conclues avant le 1er octobre 2016)

Dans un arrêt du 20 octobre 2021(n°20-18.514), la troisième chambre civile de la Cour de cassation affirme que « le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire ». Cette position avait déjà été affirmée dans un arrêt du 23 juin 2021 (Cass. civ. 3ème, 23 juin 2021, n°20-17.554).

En l’espèce, des personnes ont vendu à une société un ensemble de parcelles, sous la convention particulière de leur exploitation par extraction de substances minérales. L’acte authentique prévoit qu’à la fin de l’extraction, l’acheteur revendra la totalité du site au vendeur.

La société rétracte sa promesse de revendre le premier ensemble de parcelles. Les vendeurs assignent donc celle-ci afin que soient déclarées parfaites les reventes des parcelles, après exploitation et que soit ordonnée leur réalisation forcée. Subsidiairement, les vendeurs sollicitent l’indemnisation du préjudice résultant de l’inexécution volontaire de l’engagement de rétrocession des parcelles.

La Cour d’appel d’Agen, après avoir qualifié l’engagement de rétrocession de promesse unilatérale de vente, refuse de déclarer parfaite la vente des parcelles. Pour les juges du fond, « la rétraction de la société, intervenue avant la levée de l’option par les bénéficiaires de la promesse, a fait obstacle à la réalisation de la revente du premier ensemble de parcelles, à défaut d’échange de consentements entre le promettant et le bénéficiaire ». Les bénéficiaires de la promesse forment un pourvoi en cassation. 

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel. En ayant « retenu le caractère ferme et définitif de l’engagement du promettant et relevé que la promesse ne prévoyait aucun délai pour lever l’option d’achat », la Cour d’appel a violé l’ancien article 1134 du Code civil.

La rétraction d’une promesse devient donc désormais impossible aussi bien pour les promesses conclues avant le 1er octobre 2016 qu’après le 1er octobre 2016. 

Pour rappel, avant la réforme du droit des contrats, la jurisprudence considérait que l’obligation du promettant ne constituait qu’une obligation de faire et que la levée d’option, postérieure à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir. En cas de rétractation fautive du promettant, celui-ci ne s’exposait qu’au paiement de dommages-intérêts (Cass. civ. 3ème, 15 déc. 1993, Consorts Cruz, n°91-10.199). 

Prenant le contre-pied de cette jurisprudence, le nouvel article 1124 alinéa 2 du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, dispose que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis ».

Cet alignement de la jurisprudence avec les nouvelles dispositions du Code civil n’épuise pas toutes les difficultés. En pratique, si le promettant a conclu un contrat avec un tiers de bonne foi en violation de l’avant-contrat, le bénéficiaire ne pourra forcer l’exécution du contrat et devra seulement se satisfaire de dommages-intérêts. L’article 1124 alinéa 3 du Code civil prévoit la nullité du contrat conclu avec un tiers uniquement lorsque celui-ci connaissait l’existence de la promesse. En cas de bonne foi du tiers, si la révocation de la promesse reste bien efficace, le contrat ne peut être exécuté. Le bénéficiaire doit donc se tourner vers les règles de la responsabilité contractuelle pour inexécution du contrat.