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Imprimer 24/12/2025 Professions

Protocole de procédure civile devant le Tribunal judiciaire de Paris : règles de bonnes pratiques et modalités opératoires (procédure écrite et procédure orale) par Lucien MAURIN

Le Barreau de Paris et le Tribunal judiciaire de Paris ont formalisé un protocole de procédure civile, élaboré avec les magistrats et les greffiers, pour harmoniser et expliciter les pratiques. Le texte se présente comme un recueil de bonnes pratiques visant le respect du contradictoire et du délai raisonnable. Il remplace notamment le protocole du 11 juillet 2012 et se complète de protocoles spécifiques par chambres. Il est structuré en deux volets, consacré à la procédure écrite (principe depuis le 1er janvier 2020) et à la procédure orale (en cas de dispense de constitution d’avocat).

Le protocole est conclu entre le Tribunal judiciaire de Paris (représenté par son président) et l’Ordre des avocats du barreau de Paris (représenté par le bâtonnier), en présence du ministère public et de la direction des services de greffe. Il est présenté comme un instrument de “bonnes pratiques” applicable à la procédure civile devant le tribunal, et il s’inscrit dans la réforme issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, avec une procédure en principe écrite devant le tribunal judiciaire (article 775 du CPC) et un ministère d’avocat en principe obligatoire (article 760 du CPC), sauf textes contraires. La procédure est qualifiée d’orale lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat, sous réserve des dispositions propres aux matières concernées (article 817 du CPC), la dispense étant notamment rappelée au regard de l’article 761 et de seuils et compétences visés par le COJ. 

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Principes directeurs rappelés en amont des “modes opératoires”

Le protocole reprend les fondamentaux d’instance et d’office du juge tels qu’ordonnés par le CPC. Il rattache l’objet du litige aux prétentions des parties (articles 4, 5 et 7 du CPC) et la charge d’allégation et de preuve aux parties (articles 6 et 9 du CPC), tout en rappelant la faculté pour le juge de prendre en compte des faits dans les débats et d’inviter à des explications (articles 7 et 8 du CPC). Il rappelle l’article 12 du CPC sur l’application de la règle de droit et la qualification des faits et actes litigieux, ainsi que les exigences directrices de traitement des affaires, au premier rang desquelles figurent le contradictoire (articles 14 et 17 du CPC) et la loyauté, illustrée par une référence à la jurisprudence et à l’article 10, alinéa 1, du code civil. 

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Procédure écrite : communication électronique, saisine, prise de date et urgences

En procédure écrite, la communication électronique des actes de procédure est rappelée comme applicable à tous les contentieux civils soumis à la procédure écrite, à peine d’irrecevabilité (article 850 du CPC). Les mêmes modalités sont prévues pour le ministère public lorsqu’il intervient via RPVA comme partie, avec des boîtes de messagerie structurelles dédiées selon les contentieux (parquet 01 “nationalités”, parquet 02 “état des personnes”, parquet 03 “responsabilité de l’État / contentieux général / exequatur”). Le protocole rappelle le régime des articles 748-1 et suivants du CPC sur la transmission et la notification électroniques, l’équivalence d’efficacité de la notification électronique (article 748-3 du CPC) et la valeur de signature attachée à l’identification de l’expéditeur en transmission électronique (article 748-6 du CPC), ce qui permet la notification, la communication et le dépôt d’actes par copie électronique sans signature manuscrite apparente.

Sur l’introduction de l’instance, la voie contentieuse est rattachée à l’assignation ou à la requête conjointe (article 750, dernier alinéa, du CPC). En représentation obligatoire, l’assignation est rappelée comme devant contenir, à peine de nullité, la constitution de l’avocat du demandeur et le délai de constitution du défendeur, ainsi que l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit, et l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée avec bordereau annexé (renvoi aux articles 54 et 56 du CPC). La requête conjointe est présentée comme soumettant les prétentions respectives, les points de désaccord et les moyens (article 58 du CPC), contenant les constitutions et étant signée par les avocats constitués, avec l’indication qu’elle vaut conclusions (article 757 du CPC), et avec une transmission au BOC par voie électronique.

La prise de date est rattachée à l’article 751 du CPC et s’effectue via RPVA selon les modalités et guides mis à disposition par la juridiction. Deux options techniques sont rappelées dans l’interface : un cas standard annoncé à “2 mois” et un cas “défendeur à l’étranger” annoncé à “J + 6 mois = 180”, avec un rappel que le délai de 6 mois est articulé au retour de signification à l’étranger (article 688 du CPC), tout en restant compatible, si le cas standard est retenu, avec le délai de comparution augmenté (article 643 du CPC). Lorsque la date est validée, un numéro de RG provisoire est attribué, matérialisé par l’insertion d’une lettre dans le numéro, et la communication électronique n’est pas autorisée sous ce numéro provisoire en dehors du placement de l’assignation. Une dérogation est mentionnée pour les interventions forcées et appels en garantie, dispensés de prise de date, avec la mention dans l’assignation de la date et de l’heure de la prochaine audience de mise en état de l’affaire principale.

Le protocole traite enfin des exceptions d’urgence, en distinguant la procédure à jour fixe (article 840 du CPC), avec une requête d’autorisation déposée sur support papier et accompagnée d’un projet d’assignation, des pièces justificatives et d’un projet d’ordonnance, avec des exigences de nombre d’exemplaires selon période normale ou vacances judiciaires, et la procédure à bref délai en matière de divorce (article 1109 du CPC), avec autorisation par le JAF et remise de la copie de l’assignation par voie électronique au plus tard la veille de l’audience, à peine de caducité constatée d’office. 

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Procédure écrite : placement, constitution, audience d’orientation et mise en état

Le placement est rattaché à l’article 850 du CPC et doit être effectué par voie électronique, y compris en jour fixe, à peine d’irrecevabilité relevée d’office. La saisine du tribunal est rattachée à la réception, par le greffe, du placement dématérialisé de la première expédition originale numérique de l’assignation signifiée. Lorsque la date d’audience a été communiquée plus de quinze jours à l’avance, le placement doit être réalisé au moins quinze jours avant cette date (article 754 du CPC), à peine de caducité de l’assignation constatée d’office, selon les modalités exposées. Le protocole précise une modalité technique : placement par message RPVA comportant le numéro de RG provisoire, adressé au greffe de la chambre saisie via l’onglet TSOR (“Transmission de l’original”), sans transmission papier de l’original numérique. À réception, le greffe adresse un bulletin d’information au conseil du demandeur mentionnant le numéro de RG définitif, que l’avocat du demandeur a charge de communiquer au conseil du défendeur.

La constitution du défendeur est rappelée dans le délai de quinze jours à compter de l’assignation (article 763 du CPC) et s’effectue par message RPVA auquel est joint un acte de constitution non signé, avec information du conseil du demandeur par RPVA. Le protocole prévoit des règles pratiques spécifiques en cas de renvoi pour incompétence (constitution dans le mois à compter de l’avis du greffe, à défaut radiation d’office) et en matière de jour fixe ou bref délai (constitution avant la date d’audience).

L’audience d’orientation est tenue par le président de la chambre saisie et précède, le cas échéant, la saisine du juge de la mise en état, le juge n’étant pas désigné à ce stade, sauf particularité du divorce où le JAF exerce les fonctions de juge de la mise en état dès la constitution du défendeur ou l’expiration du délai imparti, ou dès le dépôt de la requête conjointe (article 1108 du CPC). Les modalités de tenue de l’audience, en présentiel ou dématérialisée, sont annoncées par bulletin du greffe à l’issue de l’enrôlement et par accusé de réception de la constitution. Le protocole rattache cette audience aux dispositifs de MARD, en visant notamment l’audience de règlement amiable (articles 774-1 à 774-4 du CPC), la possibilité d’injonction de rencontrer un conciliateur ou un médiateur, et l’évocation d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état, ainsi que d’une convention d’instruction conventionnelle simplifiée pour les instances introduites à compter du 1er septembre 2025 (avec renvoi au décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025).

À l’issue de l’audience d’orientation, plusieurs suites procédurales sont envisagées : clôture de l’instruction et renvoi à la plaidoirie si l’affaire est prête à être jugée au fond ou si le défendeur n’a pas constitué (sauf réassignation), fixation d’une procédure sans audience avec dépôt de dossiers au greffe de la chambre, ou renvoi à une audience de conférence lorsque l’affaire requiert un ultime échange de conclusions ou une ultime communication de pièces, une mise en conformité au regard de l’article 768 du CPC, ou un délai pour conclure une convention de procédure participative. Lorsque l’affaire n’est pas en état, le président renvoie devant le juge de la mise en état et fixe la date de l’audience de mise en état (article 779, dernier alinéa, du CPC), la date de saisine du juge de la mise en état étant explicitement reliée au point de départ de ses attributions exclusives.

La mise en état est annoncée comme dématérialisée sauf exception. Les parties peuvent solliciter un rendez-vous judiciaire pour conférer du dossier avec le juge de la mise en état, de concert ou non, par message RPVA contradictoire exposant les raisons de la demande, avec une recommandation de sollicitation au minimum quarante-huit heures à l’avance. Le juge peut également prendre l’initiative d’un rendez-vous, avec information des parties au moins quarante-huit heures avant, et il fixe la date, l’heure et les modalités (présentiel, visioconférence ou téléphone) par message RPVA, en précisant qu’aucun avocat n’est reçu sans rendez-vous judiciaire. Le protocole rattache le rôle du juge de la mise en état à l’article 780 du CPC et mentionne les pouvoirs de régulation et de sanction, dont la radiation et la clôture partielle, en rappelant les conséquences des articles 800 et 801 du CPC, ainsi que des règles pratiques de transmission des messages RPVA, avec une recommandation d’envoi au plus tard la veille et idéalement avant 16 heures afin d’assurer la prise en compte par le greffe avant l’audience. 

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Procédure écrite : concentration et standards de rédaction des écritures

Le protocole formule un “principe de concentration” appliqué à l’instruction. Il prévoit que les faits, moyens principaux et subsidiaires et preuves fondant les prétentions soient mobilisés dès les premières conclusions, que les personnes concernées par le litige soient mises en cause pour éviter interventions forcées ou appels en garantie tardifs, et que les pièces connues et disponibles soient communiquées dès le premier jeu de conclusions conformément à l’article 132 du CPC. Il rattache l’exigence de forme et de contenu à l’article 768 du CPC, en rappelant notamment que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions et les moyens en fait et en droit les fondant, avec indication des pièces invoquées et de leur numérotation, et qu’un bordereau de pièces doit être annexé. Il reprend la structuration attendue des conclusions, avec un exposé distinct des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et moyens et un dispositif récapitulatif, ainsi que l’exigence de présentation formellement distincte des moyens nouveaux par rapport aux écritures précédentes. Il précise enfin une conséquence procédurale : le tribunal statue sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien que s’ils sont invoqués dans la discussion, et il ne statue que sur les dernières conclusions déposées, les prétentions et moyens non repris dans les dernières conclusions récapitulatives étant réputés abandonnés.

Sur les standards matériels de transmission, les jeux successifs de conclusions sont numérotés et datés à la date d’établissement, les conclusions sont au format PDF texte, et le message de transmission identifie clairement la nature “conclusions” et les éléments d’identification du dossier (numéro RG, date, nom des parties). Un plan de présentation est recommandé sans rattachement à une sanction : un exposé des faits, puis une discussion demande par demande en intégrant les réponses aux derniers moyens adverses, puis un dispositif. 

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Procédure orale : circuits de saisine, placement, constitution, écritures, pièces et messages

La procédure orale est traitée dans un second volet. Les requêtes donnant lieu à des décisions non contradictoires sont rattachées à des annexes et sont présentées comme n’étant pas soutenues oralement sauf exception décidée par le magistrat, avec un dépôt papier en double exemplaire, un seul jeu de pièces, et, pour chaque exemplaire, un bordereau de pièces et un projet d’ordonnance. La prise de date est annoncée comme dépendant des services et des modalités prévues sur le site de la juridiction, en intégrant les procédures accélérées au fond et la diversité de leurs modes de prise de date, tantôt via module dématérialisé, tantôt via démarches auprès du greffe compétent.

Les requêtes introductives d’une instance contradictoire sont annoncées comme déposées sur support papier au SAUJ ou adressées par courrier au greffe compétent, avec une exception pour certaines requêtes devant le JAF placées de manière dématérialisée, hors mesures urgentes, demandes de bref délai et ordonnances de protection. Les assignations sont annoncées comme placées via le RPVA, le placement papier étant présenté comme exceptionnel, et il est recommandé de ne pas joindre les pièces à l’assignation, le placement devant intervenir au plus tôt après la délivrance en respectant les délais applicables, avec un rappel de principe d’un placement au moins quinze jours avant l’audience (article 754 du CPC). En cas de difficulté technique RPVA, le protocole vise une prise d’attache auprès des services du CNB et non du greffe, ce dernier n’ayant pas d’accès au RPVA.

Sur la constitution, le protocole rattache l’exigence de constitution du défendeur (article 752 du CPC) aux procédures de référé lorsque la représentation est obligatoire. Devant le JEX et dans les procédures orales dispensées de ministère d’avocat, l’intervention de l’avocat est annoncée comme non soumise à condition de forme ou de délai, tout en rappelant une recommandation de “bonne pratique” de constitution formelle dès que possible, en principe via RPVA sauf exceptions (notamment PCP). Le greffe informe l’avocat du demandeur du numéro RG définitif dès le placement, avec charge de transmission à l’adversaire connu.

Les écritures sont annoncées comme transmises via RPVA (sauf PCP), avec une exigence de communication en temps utile des écritures et pièces dans le respect du contradictoire. Un point de procédure est rappelé sur l’office du greffe à l’audience en matière orale : conformément à l’article 446-1 du CPC, seules les conclusions “visées” par le greffier à l’audience de plaidoirie sont celles dont le juge est valablement saisi, et elles ne sont pas imprimées préalablement par le greffe. Lorsque les débats sont renvoyés et que toutes les parties comparantes sont assistées ou représentées et présentent par écrit prétentions et moyens, les exigences de l’article 446-2-1 du CPC sont rappelées, avec la logique dispositif/discussion et la reprise dans les dernières conclusions des prétentions et moyens antérieurs, à défaut de quoi ils sont réputés abandonnés, et avec une modalité spécifique lorsque toutes les parties ne sont pas assistées ou représentées, le juge pouvant, avec l’accord des parties assistées ou représentées, organiser une présomption d’abandon pour les prétentions et moyens non repris dans les dernières écritures communiquées.

Les pièces ne sont pas transmises à la juridiction via RPVA, mais peuvent être produites de manière dématérialisée en vue de l’audience selon des modalités techniques renvoyées aux annexes et au site de la juridiction. Les messages destinés au greffe ou aux magistrats doivent transiter par RPVA, à l’exclusion de tout courriel, y compris sur les boîtes structurelles, avec un rappel que les messages RPVA ne deviennent visibles dans le dossier informatique qu’après traitement par le greffe, traitement décrit comme ni automatique ni immédiat, et dont les délais sont précisés en annexes ; il est précisé corrélativement que le magistrat n’a pas connaissance des messages tardifs au regard de ces délais de traitement. Les demandes de renvoi contenues dans un message doivent être soutenues à l’audience, et, même en cas d’accord des parties, le renvoi est rappelé comme n’étant jamais de droit et comme étant en principe évoqué en début d’audience. Enfin, seul l’avocat dépourvu d’accès au RPVA parisien est annoncé comme pouvant accomplir les actes sur support papier en précisant ne pas être relié.

Lucien MAURIN 


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