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Imprimer 13/11/2021 Civil

L' Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés

L'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés entrera en vigueur au 1er janvier 2022.

L’ordonnance n° 2021-1192 a été prise en application de l’article 60 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises. L’objectif poursuivi est, pour reprendre les termes du Rapport remis au Président de la République, de « simplifier le droit des sûretés et renforcer son efficacité, tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants ».

Le caractère inachevé de la réforme du droit des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 (ratifiée par la loi n° 2007-212 du 20 février 2007)

Issue d’un groupe de travail présidé par le Professeur Michel Grimaldi, l’ordonnance du 23 mars 2006 avait pour ambition de « moderniser les sûretés afin de les rendre lisibles et efficaces tant pour les acteurs économiques que pour les citoyens tout en préservant l’équilibre des intérêts en présence ».

Au fil du temps, les griefs ont été nombreux, notamment :

- renoncement à élaborer un cadre commun aux sûretés, avec des principes directeurs communs aux sûretés personnelles et aux sûretés réelles

- absence de traitement des sûretés personnelles (tout particulièrement du cautionnement) ;

- cantonnement de la réforme aux seules sûretés régies par le Code civil, sans prendre en considération celles régies par d’autres dispositions spéciales : Code de la consommation, Code de commerce…

Ex facto jus oritur. La doctrine et la pratique ont mis en lumière les failles et lacunes de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006. La Direction des affaires civiles et du sceau a alors confié au professeur Michel Grimaldi et à l’Association Henri Capitant le soin de parachever la réforme du droit des sûretés initiée en 2006. Le groupe de travail a rendu ses propositions publiques en septembre 2017. 

Une consultation publique a nourri plus en avant la réflexion. La loi Pacte du 22 mai 2019 a habilité le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, dans un délai de deux ans, à compter de son entrée en vigueur, les mesures nécessaires pour simplifier le droit des sûretés, et partant, de renforcer son efficacité. 

À la fin de l’année 2020, un avant-projet d’ordonnance est soumis à consultation publique. Sur cette base (et des observations des acteurs économiques du secteur), l’ordonnance n du 15 septembre 2021 a été adoptée.

Considérations temporelles sur l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021

Principe. Ratione temporis, l’article 37 de l’ordonnance du 15 septembre 2021 prévoit que ses dispositions entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2022. Le législateur entend permettre aux acteurs concernés de se mettre en conformité avec le droit nouveau.

- À cette fin, tous les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022 resteront soumis à la loi ancienne.

- De même, tous les privilèges immobiliers spéciaux nés avant le 1er janvier 2022 seront pour l’avenir assimilés à des hypothèses légales, sans préjudice le cas échéant de la rétroactivité de leur rang. 

Exceptions. L’ordonnance prévoit une exception au principe de survie de la loi ancienne pour les obligations d’information (information annuelle, information sur la défaillance du débiteur principal, information de la sous-caution) qui s’appliqueront immédiatement le 1er janvier 2022 aux cautionnements et sûretés réelles pour autrui constituées avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance. La date d’entrée en vigueur des dispositions relatives au registre des sûretés mobilières et au gage automobile, lesquelles requièrent à la fois des mesures réglementaires d’application et des développements informatiques, sera fixée par décret, sans pouvoir être postérieure au 1er janvier 2023. 

Considérations matérielles sur l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021

Ratione materiae, la réforme portée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 concerne toutes les sûretés. Elle concerne également le droit des procédures collectives (modification des dispositions du livre VI du Code de commerce relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés : cf ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du Code de commerce).
Dans un objectif de simplification, divers gages spéciaux ont été abrogés : le gage commercial, le warrant hôtelier et le warrant pétrolier, le nantissement (le gage) d’outillage et de matériel d’équipement ainsi que le gage de stocks. Seul le droit commun du gage s’applique désormais, afin d'améliorer la lisibilité du droit des sûretés. 
Cette réforme du droit des sûretés répond à un triple objectif : sécurité juridique; renforcement de l’efficacité des sûretés, et renforcement de l’attractivité du droit français.

I/ Le cautionnement

Simplification et unification des règles. La réforme du droit des sûretés simplifie les règles applicables au cautionnement et regroupe l’ensemble des dispositions applicables au sein du Code civil permettant ainsi une unification des règles. La protection de la caution personne physique est désormais généralisée et s’applique indifféremment aux consommateurs et aux dirigeants (quelle que soit la qualité du créancier).

Mention « manuscrite ». Le régime de la mention est simplifié et dématérialisé. Le texte imposé de la mention que doit reproduire la caution personne physique est supprimé. La mention manuscrite reste exigée pour la validité du cautionnement, à peine de nullité, mais aucune rédaction précise n’est imposée. Il faudra alors faire preuve de vigilance lors de la rédaction pour que la nature et la portée de l’engagement de la caution soient assez claires et précises.

Opposabilité des exceptions. Dans ses rapports avec le créancier garanti, la caution pourra opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, à l’exception de celles liées à sa défaillance.

 Devoir de mise en garde. Le devoir de mise en garde concerne les rapports de toute personne physique avec un créancier professionnel, et ne pèse donc plus exclusivement sur les établissements de crédit. Ce devoir ne porte plus que sur l’inadaptation de l’engagement du débiteur principal à ses capacités financières. Le manquement au devoir de mise en garde est désormais sanctionné par la déchéance du créancier à son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci.

 Proportionnalité. La réforme intègre dans le Code civil l’exigence légale de proportionnalité du cautionnement. La disproportion ne s’apprécie qu’au jour de la conclusion de l’engagement. Disproportionné, le cautionnement est désormais réduit à hauteur des capacités financières de la caution au jour de l’engagement, au regard de son patrimoine et de ses revenus.

 Défaut de subrogation.  La réforme modifie le régime du bénéfice de subrogation en prévoyant que la caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d’une sûreté, diminuant le contentieux existant en la matière. 

II/ Les sûretés réelles 

 Les sûretés réelles ont pour objet d'affecter spécialement un ou plusieurs biens (généralement qui appartiennent au débiteur) au paiement de la dette.

L’ordonnance redéfinit les sûretés réelles en procédant à une distinction entre les sûretés préférentielles (privilège, gage…) et les sûretés exclusives (sûretés-propriétés). 

La sûreté réelle est désormais définie comme l'affectation d'un bien ou d'un ensemble de biens, présents ou futurs, au paiement préférentiel ou exclusif du créancier (article 2323 du Code civil).

Les trois sources des sûretés réelles sont formalisées. Elles naissent :

- de la loi ; 

- d’un jugement ; 

- d’une convention. 

La définition des sûretés générales et spéciales est également inscrite dans le Code civil : les premières portent sur la généralité des meubles et des immeubles ou des seuls meubles ou des seuls immeubles ; les secondes ne portent que sur des biens déterminés ou déterminables, meubles ou immeubles (article 2324 du Code civil).

L’ordonnance consacre la jurisprudence admettant que la sûreté réelle conventionnelle peut être constituée par le débiteur ou par un tiers.  Lorsque la sûreté est constituée pour autrui, certaines mesures spécifiques s’appliquent. Il est précisé que le créancier n'a d'action que sur le bien affecté en garantie. Par ailleurs, les obligations pesant sur le créancier professionnel (le devoir de mise en garde, les obligations d’information et le bénéfice de discussion) et le recours personnel de la caution qui a payé (article 2325 du Code civil) s’appliquent également. 

Dorénavant, une sûreté réelle peut être constituée sur les biens d'une personne morale de droit privé en vertu de pouvoirs résultant de délibérations ou délégations établies sous signatures privées alors même que la constitution de la sûreté doit l'être par acte authentique. 

Cette mesure étend à l'ensemble des personnes morales la règle qui existe déjà pour les sociétés (articles 1844-2 et 2326 du Code civil). Cette mesure ouvre la possibilité à d’autres personnes morales que les sociétés, comme les associations, d’inscrire par exemple une hypothèque sur un immeuble leur appartenant. 

III/ Les sûretés mobilières

Les privilèges mobiliers et les privilèges spéciaux. La liste des créances privilégiées sur certains meubles est modernisée et simplifiée. De nombreuses mentions désuètes ont été supprimées (privilège de l’hôtelier…).

Désormais, il s’agit, outre celles prévues par des lois spéciales, de :

- toutes les sommes dues en exécution d'un bail ou de l'occupation d'un immeuble, sur le mobilier garnissant les lieux et appartenant au débiteur, y compris, le cas échéant, le mobilier d'exploitation et la récolte de l'année ;

- les frais de conservation d'un meuble, sur celui-ci ;

- le prix de vente d'un meuble, sur celui-ci ;

-les créances nées du contrat de travail de l'auxiliaire salarié d'un travailleur à domicile sur les sommes dues à ce travailleur par les donneurs d'ouvrage (article 2332 du Code civil).

En principe, les privilèges généraux s'exercent dans l'ordre de l'article 2331 du Code civil, à l'exception du privilège du Trésor public, dont le rang est déterminé par les lois qui le concernent, et du privilège des caisses de sécurité sociale, qui vient au même rang que le privilège des salariés. Pour mémoire, la priorité est donnée aux frais de justice, ensuite les frais funéraires… Cette règle est complétée en ce que désormais, les créanciers privilégiés qui sont dans le même rang sont payés par concurrence (article 2332-2 du Code civil). 

L’ordre dans lequel s’exercent les privilèges spéciaux du bailleur d'immeuble, du conservateur et du vendeur de meuble est modifié pour prendre en compte la suppression du privilège de l’hôtelier. 

Le nouvel article 2332-4 du Code civil introduit le droit de préférence du gagiste dans le classement. Il s'exerce au même rang que le privilège dont bénéficie le bailleur d'immeuble, c’est-à-dire au deuxième rang s'il ignorait l'existence des autres privilèges ou au cinquième rang s'il en avait connaissance. 

Le gage de meubles corporels. Le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs. Il ne pouvait pas porter sur un immeuble par destination, c’est-à-dire un bien meuble rattaché à l'immeuble de manière fixe et dont la séparation de l'immeuble nécessite un descellement des lieux (article 517 du Code civil).

L’ordonnance introduit le gage portant sur un immeuble par destination (comme des panneaux solaires ou des transformateurs). Les articles L.112-3, L.322-14 et L.331-1 du Code des procédures civiles d’exécution sont donc modifiés pour intégrer cette extension. 

En cas de conflit entre le créancier hypothécaire et le créancier gagiste, l’ordre de préférence, dans la mesure où leur gage porte sur des biens réputés immeubles, est déterminé par les dates auxquelles les titres respectifs ont été publiés, nonobstant le droit de rétention des créanciers gagistes (article 2334 du Code civil).

Le régime de la nullité du gage constitué sur la chose d'autrui est précisé : seul le créancier de bonne foi peut invoquer cette nullité, et non les tiers (article 2335 du Code civil ).

La possibilité de constituer un gage par prise de possession d'un titre représentatif est restaurée, après avoir été abrogée en 2006 (article 2337 du Code civil).

Par un renvoi plus large au Code des procédures civiles d’exécution, la situation du créancier gagiste est clarifiée : s’il est déjà titulaire d'un titre exécutoire, il peut intenter immédiatement la saisie sans avoir à passer par le juge. De plus, la procédure simplifiée de réalisation aujourd'hui prévue pour le gage commercial est étendue à tous les gages constitués en garantie d'une dette professionnelle (article 2346 du Code civil). 

Propriété retenue ou cédée à titre de garantie. La propriété d'un bien peut être retenue en garantie en conséquence d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie. Le régime de cette garantie est précisé.

Tout d’abord, le sous-acquéreur ou l'assureur peut désormais opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette, ainsi que les exceptions nées de ses rapports avec le débiteur avant qu'il ait eu connaissance du report, mettant un terme à la jurisprudence antérieure interdisant cette possibilité (article 2372 du Code civil).

Modifications relatives au gage.  En matière de gage avec dépossession de choses fongibles (c’est-à-dire des choses qui sont interchangeables et nécessitent une opération de mesure), l’ordonnance ouvre aux parties la faculté d'autoriser le constituant à aliéner les choses gagées à charge de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes (2341 du Code civil). Une banque pourrait ainsi vendre des marchandises objets d’un gage, à condition de les remplacer par des choses équivalentes de même quantité.

Concernant le gage sans dépossession de choses fongibles, la faculté d'aliéner les biens fongibles ne requiert plus de clause en ce sens pour exister. Désormais, elle est le principe, qui peut être écarté par une clause contraire (article 2342 du Code civil).
     
S’agissant du gage tournant portant sur les choses fongibles, il est désormais prévu que lorsque le constituant a la faculté d'aliéner les biens gagés, les biens acquis en remplacement sont de plein droit compris dans l'assiette du gage, solution s’inspirant du gage de stocks (article 2342-1 du Code civil).

Modifications relatives à la cession de créance à titre de garantie. Le principe de la cession de créance à titre de garantie est affirmé, cette dernière étant soumise au droit commun de la cession de créance (articles 1321 à 1326 du Code civil). 

La cession de créance à titre de garantie doit respecter le principe de spécialité, quant à l'assiette de la sûreté (créances cédées) et quant aux créances garanties (article 2373-1 du Code civil). Si la créance garantie est déjà échue, les sommes s'imputent alors sur celle-ci tandis que si la créance garantie n'est pas échue, le créancier cessionnaire conserve les sommes versées par le cédé conformément aux règles relatives à la cession de somme d'argent à titre de garantie (article 2373-2 du Code civil). Lorsque la créance garantie est intégralement payée avant que la créance cédée ne le soit, le cédant recouvre de plein droit la propriété de celle-ci (article 2373-3 du Code civil).

 Fiducie à titre de garantie. La propriété d’un bien ou d’un droit peut être cédée à titre de garantie d’une obligation par un contrat de fiducie, pour les biens mobiliers (articles 2372 à 2372-5 du Code civil) ou immobiliers (articles 2488-1 à 2488-5). 

À présent, les dettes garanties peuvent être présentes ou futures. Dans ce dernier cas, elles doivent être déterminables. Cette règle s’aligne sur celles prévues pour les autres sûretés réelles (article 2372-1 du Code civil).

L'exigence d'évaluation du bien ou du droit transféré dès lors qu'elle n'est prévue pour aucune autre sûreté est supprimée. Les parties pourront toujours recourir à une telle évaluation si elles le souhaitent (article 2372-2 du Code civil).

Par ailleurs, une vente des biens donnés en fiducie est dorénavant possible à un prix différent de celui fixé par l'expert, mais seulement si une vente à ce prix n'aurait pas été possible, ce qui devra être justifié par le fiduciaire. Il pourra alors vendre au prix qu'il estime correspondre à la valeur du bien, et ce sous sa responsabilité, afin de protéger les intérêts du débiteur et du créancier ( article 2372-3 du Code civil).

IV/ Les hypothèques et autres sûretés immobilières

Transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales spéciales. Les privilèges immobiliers spéciaux confèrent au créancier un droit de suite et un droit de préférence. Le droit de préférence assure au créancier un droit de priorité lui permettant d'être payé par préférence aux autres sur le prix de vente de l'immeuble donné en garantie.      

Dans le prolongement du droit de préférence, le droit de suite permet au créancier de bénéficier du droit de saisir ultérieurement l'immeuble entre les mains du tiers acquéreur afin d'exercer son droit de préférence sur le prix résultant de la vente forcée (article 2461 du Code civil). Il ne peut être exercé que par les créanciers ayant fait inscrire leur sûreté, ce qui exclut les titulaires de privilèges généraux dispensés de la formalité d'inscription au fichier immobilier.

Le Code civil énumère les neuf privilèges immobiliers spéciaux que sont (article 2374 du Code civil) : 

- le privilège du vendeur d'immeuble ;

- le privilège du prêteur de deniers pour l'acquisition d'un immeuble ;

- le privilège du syndicat des copropriétaires ;

- le privilège du copartageant ;

- le privilège des architectes et entrepreneurs ;

- le privilège du prêteur de deniers pour le paiement des architectes et entrepreneurs ;

- le privilège de la séparation des patrimoines ;

- le privilège des accédants à la propriété titulaires d'un contrat de location-accession ;

- le privilège de l’État ou de la commune.

Le créancier devait, comme pour les hypothèques légales, faire inscrire son privilège au fichier immobilier.  La seule différence entre le privilège immobilier spécial et l’hypothèque était la rétroactivité de leur prise de rang.

En effet, si l’inscription était prise dans le délai légal de deux mois, le privilège immobilier spécial prenait rang, de façon rétroactive, au jour de la naissance de la créance garantie, contrairement à l’hypothèque qui ne prend rang qu’au jour de son inscription. Les privilèges immobiliers spéciaux primaient ainsi sur les hypothèques. 

La réforme des sûretés poursuit un objectif de sécurité juridique, de simplification et d’unification des sûretés immobilières. Pour répondre à cet objectif, l’ordonnance prévoit que les privilèges immobiliers sont tous généraux et dispensés d’inscription. Les privilèges immobiliers spéciaux étant supprimés, les privilèges immobiliers généraux du Code civil sont (: article 2377 du Code civil) :

- les frais de justice ; 

- le salaire ;

- les créances du conjoint survivant ;

- l’indemnité de fin d’emploi et l’indemnité de précarité d’emploi ;

- les indemnités dues pour les congés payés ;

- les indemnités dues aux salariés (licenciement, rupture anticipée du contrat de travail etc.).

Les privilèges immobiliers spéciaux soumis à publicité sont transformés en hypothèque légale. L’intérêt de la mesure est de supprimer la rétroactivité dont bénéficient les privilèges immobiliers spéciaux ( articles 2401 à 2407 du Code civil). Désormais, toutes les sûretés immobilières prennent rang à la date de leur inscription. Cette suppression facilite en outre l’anticipation des autres créanciers sur la priorité de leur propre créance.

Il est précisé que les privilèges immobiliers donnent le droit d'être préféré aux autres créanciers, mais qu’ils ne confèrent pas de droit de suite (article 2376 du Code civil). 

Du fait de la transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales, le sous-titre dédié passe de huit à quatre chapitres consacrés aux privilèges immobiliers, au gage immobilier, aux hypothèques et à la propriété-sûreté.

Par ailleurs, les privilèges généraux priment sur le droit de préférence attaché au gage immobilier et à l’hypothèque (article 2378 du Code civil).

La transformation des privilèges spéciaux immobiliers en hypothèques légales ne s’appliquera que pour l’avenir. Afin de ne pas remettre en cause les prévisions des parties, les privilèges inscrits au fichier immobilier antérieurement à la date d’entrée en vigueur de l'ordonnance conservent leur rang et effets relatifs à la rétroactivité de celui-ci, en application du principe de survie de la loi ancienne. De même, les privilèges qui n’ont pas fait l’objet des formalités de publicité foncière à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance seront inscrits au fichier immobilier selon les dispositions applicables avant cette date (article 37 IV de l’ordonnance). 

La fiducie-sûretés immobilières. La propriété d’un bien ou d’un droit peut être cédée à titre de garantie d’une obligation par un contrat de fiducie, pour les biens mobiliers (articles 2372-à 2372-5) ou immobiliers (articles 2488-1 à 2488-5). L’ordonnance modifie de la même façon les fiducies-sûretés immobilières et mobilières. Le formalisme de la fiducie-sûreté et ses modalités de réalisation ont été assouplies. Comme pour la fiducie sûreté mobilière, l’obligation garantie peut être présente ou future (et dans ce cas, elle doit être déterminable).

De même, la mention relative à la valeur des biens fiduciés a été supprimée. Il n’est désormais plus nécessaire d’estimer la valeur des biens transmis (article 2488-2). Enfin, le fiduciaire pourra désormais vendre les biens donnés en fiducie à un prix différent de celui fixé par l'expert si une vente à ce prix n'est pas possible. L'exigence d'expertise est toutefois maintenue afin d'assurer la protection du constituant (article 2488-3 du Code civil).

Les hypothèques. L'article 15 de l’ordonnance réorganise le chapitre 3 du Code civil relatif aux hypothèques, qui comprend désormais huit sections : 

1 – L’étendue de la couverture hypothécaire

L’ordonnance reformule les règles existantes en matière d’hypothèque (articles 2385 à 2391 du Code civil). 

L’étendue de la couverture hypothécaire en cas de subrogation personnelle a été clarifiée. En effet, le Code civil était silencieux sur la question de savoir si les accessoires étaient couverts ou non par l’hypothèque. Par exemple, dans le cas des prêts substitutifs, les intérêts étaient couverts (article 1346-4 du Code civil), mais la question était soulevée pour les autres accessoires, tels que les frais de poursuite, les pénalités de remboursement anticipé les dommages et intérêts. Il est désormais précisé que tous les accessoires sont garantis par l'inscription initiale (article 2390 du Code civil). Cette mesure concerne l’ensemble des hypothèques. 

En outre, l’ordonnance explicite la règle de l’indivisibilité de l’hypothèque (article 2391 du Code civil). Elle ajoute en effet que l'hypothèque est indivisible : 

- malgré la division de la dette ; cela signifie que le propriétaire de l’immeuble hypothéqué est tenu pour le tout, et que chacun des créanciers a l’entier immeuble pour sûreté ; 

- malgré la division de l’immeuble ou la pluralité d’immeubles ; ainsi, chaque partie de l'immeuble divisé, chacun des immeubles est affecté à la sûreté de la totalité de la dette. Cela signifie que lorsque plusieurs immeubles sont hypothéqués pour une même dette, chacun des immeubles répond de la dette pour le tout. Le créancier peut alors choisir auprès de quel immeuble il obtiendra le paiement de sa créance.

2 – Les hypothèques légales générales et spéciales

Pour tenir compte de la transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales spéciales, deux sous-sections distinguent désormais les hypothèques légales générales et les hypothèques légales spéciales. 

Les hypothèques légales générales. La liste des hypothèques légales générales a été reprise (article 2393 du Code civil) à l’exception des frais de dernière maladie et de fourniture des subsistances faites au débiteur et à sa famille pendant la dernière année qui ont été supprimés.

Les hypothèques légales spéciales. Les privilèges spéciaux immobiliers ont été transformés en hypothèques légales spéciales (articles 2374 et 2402 du Code civil). L’ordonnance a supprimé de la liste le privilège des architectes et entrepreneurs, rarement utilisé, ainsi que le privilège de prêteur de deniers ayant servi à payer les architectes et les entrepreneurs. 

Ainsi, les créances auxquelles sont attachées une hypothèque légale spéciale sont désormais celles : du vendeur d'immeuble; du prêteur de deniers pour l'acquisition d'un immeuble; du syndicat des copropriétaires; du copartageant ; de la séparation des patrimoines; des accédants à la propriété titulaires d'un contrat de location-accession ; de l’État ou de la commune.

3 – Les hypothèques judiciaires

L'existence des hypothèques judiciaires conservatoires régies par le Code des procédures civiles d’exécution est désormais précisée dans le Code civil (articles L.511-1 et s du Code des procédures civiles d’exécution).

4 – Les hypothèques conventionnelles sur les biens futurs

 L'ordonnance renverse le principe de prohibition des hypothèques de biens à venir (article 2414 du Code civil). L'exception devient le principe et l'hypothèque conventionnelle peut désormais être consentie sur des immeubles futurs. Il est précisé que l’hypothèque ne pourra être publiée que lorsque le constituant sera devenu propriétaire du bien.

5 – Le classement des hypothèques

L'ordonnance reprend le principe suivant lequel les hypothèques doivent être inscrites au fichier immobilier, et prennent rang à la date de cette inscription (articles 2418 à 2420 du Code civil).

6 – Les effets des hypothèques

Droit de préférence. Dans la continuité du droit antérieur, le créancier hypothécaire impayé peut poursuivre la vente du bien hypothéqué selon les modalités prévues par le Code des procédures civiles d'exécution (article 2450 du Code civil). La convention d'hypothèque ne peut pas y déroger.

Il est payé sur le prix de vente : 

- par préférence aux créanciers chirographaires (créanciers simples, ne disposant d’aucune garantie particulière) ; 

- au rang qui lui est assigné (dans les conditions prévues aux articles 2418 à 2420 nouveaux du Code civil) s'il est en concurrence avec d'autres créanciers hypothécaires. 

Le créancier hypothécaire peut également demander en justice le droit de se faire attribuer l'immeuble hypothéqué, s'il ne constitue pas la résidence principale du débiteur (article 2451 du Code civil). 

Droit de suite. Les dispositions relatives au droit de suite du créancier sont modernisées par l’ordonnance. La notion de “tiers détenteur” est remplacée par celle de “tiers acquéreur”. En cas d'aliénation de l'immeuble, l'hypothèque le suit entre les mains du tiers acquéreur. Le tiers acquéreur est ainsi obligé, dans la limite des inscriptions, à toute la dette garantie, en capital et intérêts, quel qu'en soit le montant. S'il reste impayé, le créancier hypothécaire peut poursuivre en justice la vente de l'immeuble hypothéqué dans les conditions prévues par le Code des procédures civiles d'exécution (article 2454 du Code civil).Dans ce cadre, le tiers acquéreur bénéficie toutefois du bénéfice de discussion (article 2455 du Code civil). 

Le tiers acquéreur peut également, comme le pourrait une caution, opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal. Cette nouvelle mesure vient à l’encontre de la jurisprudence antérieure. 

Une fois sommé de payer et, sauf le bénéfice de discussion, le tiers acquéreur peut soit :

- payer ; 

- purger l'immeuble; 

- se laisser saisir.

Auparavant, le tiers détenteur bénéficiait également de la possibilité de délaisser l’immeuble (CC : art. 2467 ancien), c’est-à-dire d’abandonner la possession de l’immeuble afin d’éviter la procédure à son encontre. Ce droit de délaissement n’est pas repris par les dispositions issues de l’ordonnance. 

Dans la continuité du droit antérieur, les conséquences de l’exercice du droit de suite pour le tiers acquéreur sont précisées. 

Si la valeur de l'immeuble est diminuée par son fait ou par sa faute, le tiers acquéreur est tenu d’indemniser le créancier hypothécaire du préjudice résultant de ces dégradations. En revanche, s’il a engagé des dépenses nécessaires à la conservation de l'immeuble ou qui ont augmenté sa valeur, il peut en obtenir remboursement par prélèvement sur le prix de vente, dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution (article 2457 du Code civil).

Si le prix de vente excède la dette hypothécaire, la différence appartient au tiers acquéreur, sauf les droits de ses créanciers inscrits sur l'immeuble (article 2458) 

Après la vente, le tiers acquéreur retrouve les droits réels, notamment les servitudes, qu'il avait sur l'immeuble avant qu'il ne l'acquière (article 2459).

Lorsqu’il a réglé la dette hypothécaire ou subi la saisie de l'immeuble hypothéqué, le tiers acquéreur bénéficie d’un recours en garantie et un recours subrogatoire contre le débiteur principal (article 2460).

7 – Purge des hypothèques 

La purge est un moyen ouvert à l'acquéreur d'un immeuble de l'affranchir des hypothèques qui le grèvent, en offrant aux créanciers hypothécaires son prix d'acquisition ou la valeur estimative de l'immeuble.

Les hypothèses dans lesquelles la purge de plein droit des hypothèques intervient sont listées, de manière non exhaustive. Il s’agit notamment :

- de la vente sur saisie immobilière ;

- de l’expropriation pour cause d'utilité publique ;

- des situations prévues par le droit des entreprises en difficultés ;

- du droit du surendettement.

Les articles 2464 à 2471 relatifs à la procédure de purge judiciaire sont modernisés sans affecter le fond du droit existant. Ainsi, à défaut de l'accord de tous les créanciers inscrits avec le débiteur pour que le prix de la vente d'un immeuble hypothéqué sera affecté au paiement total ou partiel de leurs créances ou de certaines d'entre elles, le tiers acquéreur peut, une fois la vente publiée, purger l'immeuble du droit de suite attaché à l'hypothèque.

Il doit, soit avant les poursuites, soit dans le mois de la première sommation de payer qui lui est faite, notifier aux créanciers inscrits un acte où il dit être prêt à acquitter sur-le-champ les dettes hypothécaires, exigibles ou non exigibles, mais jusqu'à concurrence du prix stipulé dans l'acte d'acquisition ou, s'il a reçu l'immeuble par donation, de la valeur qu'il déclare (article 2464 du Code civil).

Tout créancier inscrit peut, dans les 40 jours suivant la notification qui lui a été faite, requérir la vente de l'immeuble aux enchères publiques, pourvu qu'il surenchérisse d'un dixième sur le prix stipulé ou sur la valeur déclarée, et qu'il fournisse caution à due concurrence (article 2465).

Le créancier requérant ne peut par son désistement, et même s'il offre de payer la surenchère, empêcher l'adjudication publique, sauf si tous les autres créanciers inscrits y consentent (article 2466 du Code civil).

Si aucun créancier ne requiert la mise aux enchères dans le délai et les formes prescrites, la valeur de l'immeuble est définitivement fixée au prix stipulé ou à la valeur déclarée.

L'immeuble est, en conséquence, libéré de toute hypothèque par le paiement de cette somme aux créanciers inscrits, ou par sa consignation (article 2467).

La vente aux enchères, s'il y a lieu, se fait selon les formes établies par le Code de procédure civile, à la diligence soit du créancier qui l'a requise, soit du tiers acquéreur (article 2468).

L'adjudicataire est tenu, au-delà du prix de son adjudication, de restituer au tiers acquéreur les coûts de son contrat, y compris de sa publication, ainsi que ceux de la notification et tous les autres frais exposés en vue de la purge (article 2469).

Le tiers acquéreur qui se rend adjudicataire, et conserve ainsi la propriété de l'immeuble, n'est pas tenu de faire publier le jugement d'adjudication.

Il dispose d'un recours contre son vendeur pour le remboursement de ce qui excède le prix stipulé et pour l'intérêt de cet excédent à compter du jour de son paiement.

Dans le cas où le tiers acquéreur aurait acquis par le même acte, pour un prix global ou à des prix distincts, des immeubles et des meubles, ou plusieurs immeubles, dont certains seuls sont hypothéqués, et qui forment ou non une même exploitation, le prix de chaque immeuble frappé d'inscription sera déclaré dans la notification prévue par l'article 2464, par ventilation, s'il y a lieu, du prix global.

 Le créancier surenchérisseur ne peut, en aucun cas, être contraint d'étendre sa soumission au mobilier ou à d'autres immeubles que ceux qui sont hypothéqués à sa créance ; sauf le recours du tiers acquéreur contre ses auteurs, pour l'indemnité du dommage qu'il éprouverait, soit de la division des objets de son acquisition, soit de celle des exploitations (article 2471). 

Un immeuble par destination pouvant désormais faire l’objet d’un gage, une nouveauté a été introduite par l’ordonnance. Dans le cas d'une aliénation d'un immeuble incluant un immeuble par destination gagé, la purge amiable peut concerner le créancier gagiste. Le créancier gagiste est par ailleurs intégré à la procédure de purge judiciaire : le créancier gagiste doit être informé et peut former surenchère si le prix est insuffisant. En l'absence de surenchère, l'immeuble est purgé du gage (article 2472).

L’article L.322-14 du Code des procédures civiles d’exécution est modifié pour tenir compte de l’extension du champ de la purge des inscriptions en cas de saisie immobilière aux immeubles par destination.

8 – La transmission et l’extinction des hypothèques

L’article 2424 devient l’article 2473 du Code civil sans que la rédaction ne soit modifiée. Ainsi, l'hypothèque est transmise de plein droit avec la créance garantie. Le créancier hypothécaire peut subroger un autre créancier dans l'hypothèque et conserver sa créance. Il peut aussi, par une cession d'antériorité, céder son rang d'inscription à un créancier de rang postérieur dont il prend la place. Les causes d’extinction des hypothèques sont désormais listées de manière non exhaustive. La prescription n’est plus citée dans la liste.

V/ La dématérialisation

Le renforcement de l’attractivité économique du droit français constitue un des objectifs poursuivis par la réforme. Pour ce faire, elle autorise notamment la dématérialisation de l’ensemble des sûretés, qui, sous l’empire du droit antérieur, n’était possible que pour les sûretés constituées par une personne pour les besoins de sa profession. La prohibition posée par l’article 1175 du Code civil est abolie.