Contentieux de l'autorité parentale : clarification de l'articulation des compétences entre le juge aux affaires familiales et le juge des enfants
"Lorsqu'un juge aux affaires familiales a statué sur la résidence de l'enfant et fixé le droit de visite et d'hébergement de l'autre parent, le juge des enfants, saisi postérieurement à cette décision, ne peut modifier les modalités du droit de visite et d'hébergement décidé par le juge aux affaires familiales que s'il existe une décision de placement de l'enfant (...) et si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s'est révélé postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales" (Cass. 1ère civ. 20 octobre 2021, n° 19-26.152, FS-B+R).
En l'espèce, en avril 2018, un juge aux affaires familiales prononce le divorce d'un couple, fixe la résidence de l'enfant chez le père et accorde un droit de visite et d'hébergement à la mère. Quelques temps après, en décembre 2018, un juge des enfants ordonne une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert au bénéfice de l'enfant. Par jugement du 4 juin 2019, le juge des enfants confie l'enfant à son père et accorde à un droit de visite médiatisé à la mère (jusqu'à la prochaine décision du juge aux affaires familiales).
Par un arrêt en date du 30 octobre 2019, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence annule le jugement au motif que seul le Juge aux affaires familiales peut statuer sur le droit de visite et d'hébergement de la mère.
Le père forme alors un pourvoi. Son pourvoi est rejeté par la première chambre civile de la Cour de cassation, laquelle fonde sa décision sur la combinaison des articles 375-3 et 375-7 du Code civil. La première chambre civile expose deux éléments:
1/ un juge des enfants ne peut pas décider d’un placement chez le parent qui a déjà la résidence habituelle, puisqu’il résulte clairement de l'article 375-3, 1° du Code civil qu'il ne peut décider de confier l'enfant qu'à "l'autre parent" ;
2/ même si le juge des enfants constate une situation de danger chez le parent qui n'a pas la résidence habituelle, il ne peut pas prendre des mesures qui aboutissent à imposer des modalités différentes, quant à l'exercice de l'autorité parentale, de celles prévues par le juge aux affaires familiales.
Ce second point constitue un revirement de jurisprudence (cf. notamment Cass. 1ère civ. 26 janvier 1994, n° 91-05.083, Bull. 1994, I, n° 32 et Cass. 1ère civ. 10 juillet 1996, n° 95-05.027, Bull. 1996, I, n° 313). Ce revirement de jurisprudence est triplement justifié:
- Il est en conformité avec la lettre de l'article 375-7 du Code civil, lequel conditionne la fixation par le juge des enfants du droit de visite et d’hébergement à une mesure de placement;
- Il est conforme avec la mission dévolue au juge des enfants, qui n’a pas à intervenir lorsqu’une situation de danger peut être évitée par une mesure autre que celles relevant de l'assistance éducative. En situation d'urgence, le Juge aux affaires familiales peut d'ailleurs être saisi en qualité de juge des référés, par les parents ou par le Ministère public, sur le fondement de l'article 373-2-8 du Code civil, en vue d'une modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale;
- Il permet d'éviter l'instrumentalisation du juge des enfants.