Exclusivité d’importation en outre-mer : une pratique anti-concurrentielle (par Simon Dupin, M2 Droit du vin et des spiritueux à l’Université de Reims)
Alors que depuis mai 2013, la loi Lurel (Loi n° 2012-1270 dite Loi « Lurel » du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et transposée à l’article L.420-2-1 du Code de commerce) interdit tout accord exclusif d’importation, l’Autorité de la concurrence, sur un rapport de la DGCCRF, a reconnu ce jeudi 7 octobre 2021 (Décision 21-D-23 du 7 octobre 2021), que la société de champagne Cattier avait méconnu la loi Lurel en accordant des droits exclusifs d’importation sur la distribution de ses produits.
En l’espèce, un contrat de distribution exclusive a été conclu et maintenu entre la société Cattier et un importateur-distributeur réunionnais. Cette pratique nuisant aux autres importateurs-distributeurs qui ne pouvaient pas s’approvisionner en champagne Cattier et aux consommateurs réunionnais qui ne pouvaient pas profiter du jeu de la libre concurrence et de prix différenciés, l’Autorité de la concurrence a sanctionné la société Cattier d’une amende de 5000 euros.
L’an passé déjà (Décision 20-D-16 du 29 octobre 2020), l’Autorité de la concurrence avait très lourdement sanctionné le centre vinicole Champagne Nicolas Feuillatte et ses importateurs-distributeurs exclusifs d’outre-mer pour fixation de droits exclusifs d’importation sur les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Par cette nouvelle décision, l’Autorité de la concurrence réaffirme sa position en matière d’exclusivité d’importation, renforce la concurrence et limite l’augmentation des prix déjà très élevés en outre-mer.
Dorénavant, et sur la base du dernier avis du 4 juillet 2019 (Avis n°19-A-12 rendu par l’Autorité de la concurrence le 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer), quid pour l’Autorité de la concurrence des exclusivités d’importation en outre-mer dans les autres domaines que les vins et spiritueux ? Plus précisément, quid de la Société Réunionnaise de Produits Pétroliers (SRPP), en situation de monopole car seul importateur de carburants sur l’île de la Réunion ?
En effet, la Coopérative Carburant d'Intérêt Régional Public Privé et Société Réunionnaise de Produits Pétroliers (CCIRPP) accuse la SRPP de l’empêcher d'importer, de stocker et de distribuer du carburant à La Réunion, faussant par conséquent le jeu de la libre concurrence.
Malheureusement pour la CCIRPP, l’Autorité de la concurrence a toujours (Décision 19-D-16 du 24 juillet 2019) refusé de condamner la SRPP sur la base d’une quelconque violation de la loi Lurel.
À l’exclusion de cette affaire des « carburants » toujours en cours, le dispositif établi par la loi Lurel et l’Autorité de la concurrence parait pertinent et efficace pour maintenir une vraie concurrence et protéger le consommateur (voir décisions en illustration).
Simon DUPIN
M2 Droit du vin et des spiritueux à l’Université de Reims